Les arômes dans les e-liquides : plaisir ou danger ?

Expiré

La cigarette électronique fait aujourd’hui l’objet de nombreuses interrogations, notamment du fait des arômes contenus dans les e-liquides.

du fait des arômes contenus dans les e-liquides.

Si l’effet de ces liquides aromatisés est le plus souvent abordé dans le contexte de l’initiation des plus jeunes à la e-cigarette, les adultes ne sont pas moins concernés. Car aujourd’hui, de nombreux fumeurs souhaitant arrêter la cigarette se tournent vers la cigarette électronique. Malheureusement, avec cette pratique, on observe l’émergence d’une double dépendance : à la nicotine et aux arômes artificiels. 

Découvrez l’impact des arômes sur l’addiction à la nicotine et à la e-cigarette, leur rôle dans le maintien de la consommation et les dangers potentiels de certains additifs, en particulier pour ceux qui souhaitent aujourd’hui se libérer de leur dépendance à la vape.

Le goût des arômes : un piège pour les jeunes

Le goût “agréable” des arômes est l’une des raisons principales de l’essor du vapotage chez les adolescents. Contrairement aux cigarettes classiques dont la seule alternative relativement agréable est la cigarette mentholée, les e-cigarettes proposent des saveurs sucrées aux goûts originaux (vanille, pastèque, mangue…etc). De tels parfums permettent d’atténuer l’amertume de la nicotine, facilitant ainsi l’inhalation.

Les résultats d’une étude menée en 2022 par l’Université de Californie à San Diego sont alarmants : 85% des jeunes consommateurs de cigarettes électroniques ont déclaré avoir commencé la cigarette avec des cigarettes électroniques aromatisées.

La France n’est pas épargnée par ce phénomène, puisque les chercheurs de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) ont déclaré que plus d’un lycéen sur deux a été initié à la vape.

Un impact direct sur la dépendance

Les études montrant l’impact des arômes sur la dépendance à la nicotine se multiplient. La dernière, publiée en juillet 2024, confirme le caractère addictif de ces arômes. 

En modifiant la perception sensorielle de la vapeur, l’expérience est rendue plus plaisante et les effets désagréables de la nicotine, tels que l’irritation ou la toux, sont nettement réduits. Ce phénomène est particulièrement présent chez les sujets n’ayant jamais fumé auparavant, souvent les adolescents.

Une étude publiée dans Tobacco Control en 2020 montre que les jeunes vapoteurs utilisant des arômes fruités ou sucrés ont 2,3 fois plus de chances de devenir des utilisateurs réguliers que ceux utilisant des liquides non aromatisés. En d'autres termes, les arômes ne sont pas neutres : ils agissent comme un catalyseur comportemental de la dépendance.

 

Des additifs aux effets méconnus : le cas des agents rafraîchissants

Parmi les substances les plus controversées présentes dans certains liquides de cigarettes électroniques, on trouve les agents rafraîchissants de synthèse, tels que le WS-3 ou le WS-23. En comparaison avec le menthol naturel, ces composés chimiques offrent une sensation de fraîcheur intense sans en avoir le goût, ce qui les rend très populaires dans les e-cigarettes aux arômes dits « glacés » (ice, fresh, cool...etc). 

Utilisés dans des dosages variables, ils améliorent l’expérience de vapotage sans atténuer les saveurs fruitées ou sucrées, ce qui séduit particulièrement les fumeurs à la recherche de sensations intenses.

 

Quels risques pour la santé ?

Si les données sur l’inhalation chronique de ces substances sont encore rares, les premières études sont préoccupantes. Selon une recherche de l’Université Duke (2021), l’exposition répétée au WS-23 peut induire une inflammation des voies respiratoires, altérer la fonction des cellules ciliées (chargées de filtrer les particules dans les poumons), et potentiellement favoriser des pathologies respiratoires à long terme.

Autre point d’inquiétude : la température d’évaporation. Ces composés chimiques peuvent se transformer sous l'effet de la chaleur en substances potentiellement toxiques. Une étude allemande menée par le Federal Institute for Risk Assessment a mis en évidence la formation de composés carbonylés (formaldéhyde, acroléine) lors du chauffage de certains e-liquides contenant des arômes complexes ou des additifs de synthèse.

Un flou réglementaire persistant

En Europe, la directive Tobacco Products Directive (TPD) encadre la commercialisation des e-liquides, mais elle ne restreint pas spécifiquement l’usage des arômes, tant qu’ils ne sont pas officiellement classés comme cancérigènes, ou toxiques pour la reproduction. 

En France, certains arômes ou additifs controversés ont été interdits, mais les agents rafraîchissants de synthèse restent autorisés, faute de preuve scientifique suffisante pour justifier une interdiction.

 

Cigarette électronique avec arômes VS cigarette classique : quelle est la plus dangereuse ?

La cigarette traditionnelle, par la combustion du tabac, libère plus de 7 000 substances chimiques, dont des goudrons, du monoxyde de carbone et de nombreuses substances cancérigènes avérées, responsables de cancers, de maladies cardiovasculaires et pulmonaires.

À l’inverse, la cigarette électronique ne contient ni tabac ni goudron, et fonctionne par vaporisation. Elle expose donc à une quantité moindre de substances toxiques. Cependant, les e-liquides, surtout ceux contenant des arômes sucrés ou les agents rafraîchissants de synthèse que nous avons évoqués plus haut, peuvent générer lors du chauffage des composés irritants ou toxiques (formaldéhyde, acroléine, etc.). Leur impact sur les poumons et le système cardiovasculaire, bien que probablement moindre que celui du tabac, reste préoccupant à long terme, surtout en cas d’usage intensif. Par ailleurs, les arômes augmentent l’attractivité du produit, en particulier chez les jeunes, favorisant l’initiation et l’addiction à la cigarette électronique.

Addiction, arômes et marketing : une stratégie bien rodée

Les marques de e-cigarettes l’ont bien compris : les arômes sont un outil puissant de fidélisation. Certaines vont plus loin en s’inspirant de produits alimentaires populaires auprès des jeunes. La marque américaine JUUL, par exemple, a longtemps proposé des saveurs telles que Crème brûlée ou Mangue, avant d’être contrainte de les retirer du marché américain suite à une intervention de la FDA.

Les emballages, les noms de saveurs et les couleurs vives renforcent cette stratégie. Sur TikTok, de nombreux contenus viraux mettent en scène des adolescents découvrant ou comparant les arômes les plus « cool ». Cette viralité renforce l’idée que vapoter n’est pas un acte à risque, mais une tendance ludique et inoffensive, une perception largement éloignée de la réalité scientifique. Chez les adultes aussi, la cigarette électronique est banalisée à travers des campagnes marketing ciblées sur les réseaux sociaux, des vidéos YouTube valorisant l’expérience utilisateur, ou encore des forums et communautés en ligne présentant la vape comme une alternative chic et maîtrisée au tabac. Ce discours rassurant entretient la consommation et rend plus difficile une prise de recul critique, même chez des usagers initialement motivés par un sevrage.

Arômes dans les e-cigarettes et nicotine

L’association des arômes et de la nicotine dans les e-cigarettes crée un cocktail particulièrement addictif. Les saveurs agréables masquent la dureté de la nicotine, facilitant l’inhalation et augmentant les bouffées répétées, même à des taux de nicotine élevés. Cela favorise une consommation compulsive, notamment chez les jeunes dont le cerveau, encore en développement, est plus vulnérable à la dépendance. Des recherches publiées dans The Lancet Respiratory Medicinemontrent que les utilisateurs de e-cigarettes aromatisées ont un risque significativement accru de devenir dépendants par rapport aux utilisateurs de produits non aromatisés. Le plaisir immédiat masque ainsi un piège physiologique profond.

Un paradoxe de santé publique

Il serait pourtant trop simple d’opposer arômes et santé de manière binaire. Pour les fumeurs adultes en quête de sevrage, les arômes jouent un rôle positif. Plusieurs études, dont une revue Cochrane de 2022, montrent que les e-cigarettes aromatisées peuvent améliorer les chances d’arrêt du tabac, en rendant la transition plus acceptable et moins frustrante.

Le véritable enjeu réside donc dans l’équilibre : comment préserver l’intérêt des arômes pour les fumeurs adultes tout en protégeant les jeunes d’une initiation précoce, mais aussi d’une dépendance réelle à la nicotine ? Une question qui divise les experts et complexifie les politiques publiques.

Vers une régulation plus stricte ?

Certains pays ont déjà tranché. Aux Pays-Bas, depuis janvier 2023, seuls les arômes dits « de base » (comme le tabac) sont autorisés dans les e-liquides. La Nouvelle-Zélande, de son côté, a interdit les arômes autres que menthe, fraise ou tabac dans les commerces de proximité. Aux États-Unis, la FDA continue d’évaluer au cas par cas les produits aromatisés, avec une tendance claire au durcissement.

En France, l’Académie nationale de médecine appelle à une régulation plus stricte, notamment à l’interdiction des arômes qui ciblent les jeunes. Dans un rapport publié en 2023, elle insiste sur la nécessité d’un encadrement marketing similaire à celui du tabac, avec des emballages neutres, des restrictions de publicité, et un meilleur contrôle des ingrédients.

Plaisir à court terme, risques à long terme

Contrairement aux idées reçues, les arômes dans les e-cigarettes jouent un rôle central dans l’initiation au vapotage et l’entretien de l’addiction à la nicotine. Ils exposent, par ailleurs, à des risques encore mal connus, notamment du fait de la présence de certains additifs de synthèse nocifs. 

À l’heure où les e-cigarettes séduisent aussi bien les mineurs que les adultes en quête de solutions, il devient urgent de revoir le cadre réglementaire, d'encadrer les additifs potentiellement toxiques, et d'engager un débat de santé publique sur la place réelle des arômes dans la stratégie de réduction des risques. Car sous le masque sucré de la framboise givrée ou du cola pétillant, se cache peut-être un piège à long terme, pour une génération qui croit avoir tourné le dos au tabac, mais reste prisonnière de la nicotine.