On pense souvent que la cigarette électronique est sans danger. Pourtant, depuis quelques années, des cas de maladies liées au vapotage ont été signalés, notamment des cas de pneumopathies graves, chez des jeunes auparavant en bonne santé. Ces atteintes pulmonaires peuvent provoquer une toux persistante, un essoufflement important, des douleurs thoraciques, voire une hospitalisation en urgence.
En cause : certaines substances chimiques présentes dans les liquides, comme l’acétate de vitamine E, qui, une fois inhalées, peuvent enflammer gravement les poumons. Ce type de maladie pulmonaire est aujourd’hui reconnu comme un effet grave du vapotage, même sans tabac.
Dans cet article, nous vous expliquons ce que sont ces lésions pulmonaires, quelles substances sont en cause, et comment reconnaître les signes d’alerte. Car non, vapoter n’est pas anodin et vos poumons méritent d’être protégés.
Une épidémie de pneumopathies aiguës liée au vapotage
Entre l’été 2019 et le début 2020, les États-Unis ont été frappés par une vague inquiétante de cas de lésions pulmonaires aiguës liées à l’utilisation de cigarettes électroniques. En l’espace de quelques mois, plus de 2800 personnes ont été hospitalisées à travers les 50 États, Washington D.C. et deux territoires américains. 68 décès ont été confirmés à la suite de ces atteintes pulmonaires graves.
Les premiers signaux d’alerte sont apparus en août 2019, avec une flambée soudaine des passages aux urgences pour des symptômes respiratoires sévères chez des vapoteurs, souvent jeunes. Le nombre de cas a atteint un pic en septembre, avant de décliner progressivement grâce à plusieurs mesures de santé publique.
Pourquoi et comment cette épidémie a-t-elle ralenti ?
Le recul du nombre de cas s’explique par plusieurs facteurs :
- Une prise de conscience massive des risques liés au vapotage, notamment des produits contenant du THC (le principe actif du cannabis)
- Le retrait de l’acétate de vitamine E de certains produits suspectés
- Une répression renforcée des produits de vapotage illicites
Des analyses menées sur des patients atteints ont confirmé que l’acétate de vitamine E était fortement lié à ces lésions pulmonaires.
Ce composé huileux, utilisé comme agent de coupe dans certains liquides au THC, a été retrouvé dans les poumons de 48 patients sur 51 analysés. En revanche, il était totalement absent chez les personnes en bonne santé du groupe témoin.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Depuis février 2020, les CDC (agences fédérales américaines chargées de la protection de la santé publique aux États-Unis) ont cessé de collecter de nouveaux cas, compte tenu de la forte baisse de l’épidémie. Néanmoins, une surveillance reste en place via les données des urgences hospitalières, et les autorités sanitaires continuent d'encourager les professionnels de santé à signaler tout cas suspect.
Même si l’épidémie de pneumopathies liées au vapotage semble aujourd’hui maîtrisée, une leçon importante a été apprise : le vapotage, surtout avec des produits non réglementés, peut entraîner des conséquences pulmonaires graves, potentiellement mortelles.
Comprendre les lésions pulmonaires associées au vapotage
Les lésions pulmonaires liées au vapotage, comme celles observées dans les cas d’EVALI, sont encore mal comprises sur le plan médical. Ce que l’on sait aujourd’hui, c’est que plusieurs types d’atteintes pulmonaires différentes peuvent être causées par l’inhalation de certaines substances contenues dans les liquides de cigarette électronique, en particulier ceux du marché noir.
Une inflammation aiguë des poumons
Chez les patients touchés, les médecins ont observé une inflammation intense des tissus pulmonaires, souvent accompagnée de lésions visibles à l’imagerie médicale (scanner).
Ces lésions peuvent prendre différentes formes :
- Pneumonite aiguë fibrineuse : il s’agit d’une inflammation des alvéoles (les petits sacs d’air dans les poumons) avec formation de dépôts de fibrine, une protéine impliquée dans la coagulation. Cela rend la respiration plus difficile.
- Dommages alvéolaires diffus : les parois des alvéoles sont endommagées de façon étendue, ce qui empêche un bon échange entre l’air et le sang (l’oxygène passe moins bien dans le corps).
- Pneumopathie organisée : les bronchioles (petites voies respiratoires) sont obstruées par des tissus inflammatoires, ce qui gêne l’entrée et la sortie de l’air. Cette forme est souvent accompagnée de bronchiolite, une inflammation des petites bronches.
Des résidus de graisses dans les poumons : une fauste piste
Au début de l’enquête, certains chercheurs pensaient que les lésions pulmonaires étaient dues à une accumulation de lipides dans les poumons, un peu comme si de l’huile venait tapisser les alvéoles. Cette hypothèse venait du fait que les médecins avaient retrouvé, dans les poumons de certains patients, des cellules immunitaires (les macrophages) remplies de substances grasses.
Mais les études plus récentes ont montré que ce n’est pas la vraie cause. La graisse retrouvée est probablement une réaction secondaire à l’inflammation, et non le facteur déclencheur. En réalité, ce sont surtout des substances chimiques irritantes, à l’instar de celles présentes dans certains liquides au THC ou produits frelatés, qui semblent agresser directement les bronches et les alvéoles, déclenchant une inflammation parfois violente.
Liste des substances problématiques dans les e-liquides
Au-delà de l’acétate de vitamine E, bien d’autres substances présentes dans les liquides de vapotage, et particulièrement ceux du marché parallèle, posent un risque sérieux pour la santé respiratoire.
Les extraits de cannabis (THC)
De nombreux cas de lésions pulmonaires étaient liés à la consommation de cartouches contenant du THC, le principal principe actif du cannabis. Le danger réside dans le fait que leur contenu est mal contrôlé, souvent trafiqué, et peut contenir des agents épaississants dangereux, dont l’acétate de vitamine E.
Les concentrés et huiles à vaporiser
Certains vapoteurs utilisent des méthodes comme le « dabbing », qui consiste à chauffer fortement des concentrés de THC (souvent appelés butane hash oil). Ces produits sont très riches en substances grasses, ce qui peut provoquer une inflammation ou une irritation sévère des poumons.
Les solvants des liquides nicotinés
Même les e-liquides contenant uniquement de la nicotine peuvent contenir des substances à risque :
- Propylène glycol et glycérine végétale : ce sont les bases les plus utilisées. Lorsqu’elles sont chauffées, elles peuvent libérer des composés irritants pour les bronches et modifier la structure des voies respiratoires.
- La nicotine vaporisée : elle peut provoquer une activation excessive des cellules immunitaires, déclenchant des réactions inflammatoires dans les poumons.
Les arômes et additifs
Certains arômes utilisés pour parfumer les e-liquides contiennent des substances nocives pour les voies respiratoires :
- Le plus connu est le diacétyle, un arôme utilisé pour reproduire artificiellement le goût ou l’odeur du beurre, déjà associé à une maladie pulmonaire grave appelée bronchiolite oblitérante, ou "maladie du poumon du popcorn"
Produits non réglementés : attention, danger !
Le risque est encore plus grand lorsque ces produits sont :
- Achetés dans la rue ou sur internet, sans contrôle de qualité
- Modifiés à la maison
- Utilisés dans des dispositifs non prévus pour le produit (comme les stylos à réservoir libre, où l’utilisateur remplit lui-même le liquide)
Les pneumopathies liées au vapotage, comme le syndrome EVALI, rappellent que la cigarette électronique n’est pas sans danger.
Inhaler certaines substances présentes dans les e-liquides (THC frelaté, acétate de vitamine E, arômes comme le diacétyle, solvants ou concentrés) peut provoquer des lésions pulmonaires aiguës, parfois graves.
Les jeunes sont particulièrement touchés, souvent du fait des produits achetés hors circuit réglementé. Même si les cas ont diminué depuis 2020, les risques persistent. Vapoter n’est pas anodin : pour protéger ses poumons, mieux vaut éviter tout produit douteux ou renoncer complètement à fumer et à vapoter.
Références
Kazachkov M, Nici L. EVALI (E-Cigarette or Vaping Product Use-Associated Lung Injury). In: StatPearls [Internet]. Treasure Island (FL): StatPearls Publishing; 2023. Disponible sur : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK560656/
Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Outbreak of Lung Injury Associated with E-Cigarette Use, or Vaping. 2020. Disponible sur : https://archive.cdc.gov/www_cdc_gov/tobacco/basic_information/e-cigarettes/severe-lung-disease.html
Layden JE, Ghinai I, Pray I, Kimball A, Layer M, Tenforde MW, et al. Pulmonary Illness Related to E-Cigarette Use in Illinois and Wisconsin - Preliminary Report. N Engl J Med. 2020;382(10):903–916. Disponible sur : https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC6884057/